Pourquoi il ne pleut pas ?
Un soleil radieux qui réchauffe doucement les corps, les cœurs, la nature… une brise légère qui fait chanter les feuilles des arbres… une journée merveilleuse pour la saison, qui exalte les sens et l’humeur, encourage les enfants à rire et jouer dans les jardins, et incite les amants à se promener et s’enlacer sous les frondaisons…
Je voudrais qu’il pleuve.
Que les nuages s’amoncellent et ternissent ce décor idyllique, que la pluie se mette à tomber, longtemps, druement. Qu’elle recouvre tout, qu’elle oblige toute vie à se retirer en sa demeure, à se cloîtrer en attendant qu’elle passe… que le rire insupportable de la vie soit recouvert par le rythme lent et apaisant des gouttes d’eau qui tombent.
Que le temps s’arrête et entrave le monde avec lui.
Que le monde s’accorde à mon humeur.
Je n’ai plus de larmes à verser, je crois. Je n’ai plus la force de pleurer quand les larmes ne suffisent plus à apaiser ce mélange de colère et de douleur. Je n’ai plus de forces du tout, je reste assise dans l’encadrement de la fenêtre grande ouverte, un pied dans la chambre, l’autre à l’extérieur. Et quand le spectacle du monde qui continue de tourner et vivre me devient trop insupportable, je laisse rouler ma tête sur le côté et je retourne contempler mon petit monde ravagé.
Ici le temps s’est arrêté. La chambre ne bouge pas, rien ne bouge, juste les rideaux qui ondulent lascivement sous les caresses du vent, et mon dragonnet qui mange bruyamment. Ce petit monde privé, mon monde à moi, hors de la course du temps et du repaire, s’est transformé en champ de bataille. Quel gâchis.
Mon cauchemar de cette nuit est partit, mais ni la colère et le fatras que j’ai mis au réveille, cherchant en cassant ces objets à exorcisé mes souvenirs et je n’ai ni la force ni la volonté de ranger tout ça. J’en ai besoin… j’ai besoin de cet équilibre précaire et douloureux entre la vie du repaire et la mort de mon monde. Peut être à la tombée de la nuit, quand elle aura harmonisé tout ça en nuances de gris, mais pas maintenant.
La douleur revient. Elle n’avait jamais disparu, elle était tapie, quelque part dans la poitrine, sourde et lancinante, si habituelle qu’elle en est devenue une part de moi même. Mais elle revient… sournoisement, elle grandit de nouveau, enserre la poitrine et le cœur, et remonte nouer une nouvelle fois la gorge.
Assez.
Un jour peut être, je pourrai y repenser avec sans colère ni douleur, mais pas maintenant.
Je détourne le regard et je quitte ma chambre pour retrouver mon détestable monde ensoleillé. Un ban de dauphins nagent au large, je l’ai observe de la plage. Je me suis résigné, il ne pleuvra pas…
Je parcours la plage du regard, comme je parcourais la chambre. Les souvenirs sont tout aussi présents, différents, moins violents mais là quand même… Je dois aimer me faire du mal.
Un détail attire mon attention. Petit bouton de rien du tout, jusque là caché par les rochers et qui se révèle enfin. Il n’était pas là hier, j’en suis certaine, je l’aurai vu, on ne voit que lui. Petit bouton de rose, fin et délicat, mais éclatant… si éclatant qu’on ne peut s’en détacher. Aucune importance, je n’en avais pas l’intention… elle m’apaise, lentement.. Évidemment.
Je secoue la tête en souriant et retourne poser un regard tendre sur la si jolie rose.